14-15/01

J’ai une sorte de grippe qui s’est invitée cet après-midi qui ne me lâche plus et je titube jusqu’au bus. Avec la vitesse, la lumière des lampadaires file comme du fromage fondu et les voitures ressemblent à des lampions entraînés par le vent. Tout est tellement plus poétique lorsque l’on a les Lucksmiths dans sa vie. C’est vraiment très beau, plus beau encore que Belle and Sebastian, plus proche, plus simple. Une guitare en bois, une basse tout chamallow, sinueuse et quelques unes des plus émouvantes chansons du monde. Je tuerais pour tant de beauté, de sincérité, et pour un doliprane aussi.

A cette heure tardive du jour, le bus est vide et silencieux, un peu comme la fin d’une soirée, juste avant que quelqu’un se dévoue pour ramasser les bouteilles de bière. Le moment où, un peu pompette, on commence à se raconter des choses à voix basse et qui semblent éternelles, pas moins.

Je ne doute pas que la fatigue, le froid ou une bonne rasade de rapports humains ne me fasse replonger dans la haine et la frustration mais pour l’instant les Lucksmiths font office d’amis intimes, et leurs chansons me cajolent et me soignent.

Je vais chercher Delphine au boulot dans une zone commerciale qui s’est figée en 1975, univers de plastique orange et de ciment vérolé. J’ai hâte de retrouver ses bras, de lui raconter la journée, les Lucksmiths, et tout ça. Ce midi elle a essayé sa tenue de scène pour Paris : une star surnaturelle. Et elle est à moi !

La radio passe une sucrerie 80’s et j’arrive bientôt, j’ai hâte de jouer, d’enregistrer le prochain album alors même que We sang a yéyé song n’est pas encore sorti. Fringale d’arrangements luxuriants, de trouver de nouvelles idées, d’avancer.

Parfois c’est un peu long la vie ici, ça fait un peu peur et mal.

C’est ma fête aujourd’hui. Je zappe frénétiquement. Sur la 5, Bohringer bougonne. Sur la 4, Adamo est juste parfait ; il parle de sincérité, de candeur et je trouve qu’il a tout juste.

On l’a vu deux fois avec Delphine, à Toulouse, il sortait de son hôtel pour s’engouffrer dans une grosse Mercedes. Il a répondu à notre bonjour, les deux fois. Ca veut tout dire. Adamo au moins c’est pas un truc de hippie, pas de la chanson française qui pue la gouaille et l’alter mondialisme.

On a eu une période yéyé les trois dernières semaines avec Delphine, une bouffée de 45 tours vintage. N’avoue jamais de Guy Mardel est une immense chanson, infiniment plus mélancolique et bluffante que tout le culte kitschoïde que l’on en fait, comme si c’était un autre ersatz de mélancolie bidon à la « je chante l’île aux enfants, le générique de Goldorak, la version de Noam ». C’est plus que ça bon dieu !

Adamo il a l’oeil qui s’émeut, il a pas de langue de bois, il a l’air heureux.

Je mâte les bonus, genre scènes inédites, de Trainspotting, me rappelle l’émotion qu’on a eu à le regarder ensemble avec Delphine. Avec des rêves de Londres, d’Ecosse plein la tête.

Je me remets les Lucksmiths à toute berzingue et j’ai l’impression que le soleil se repointe illico dans le ciel. Je me fais un peu chier et pourtant j’ai beaucoup à faire. Je vais opter pour une ballade. Après, promis je me mets à mes cv et à mes lettres de motivation. J’ai encore envie de bouffer. Delphine me manque, j’ai hâte qu’on se casse d’ici. Mon regard se perd dans le vide alors que la deuxième chanson commence avec sa grosse louche de mélodica. Je repense à notre version de The former president l’autre jour. J’espère qu’au Pop In on sera encore être aussi sincère et ne pas essayer de faire les malins. On a tellement hâte de bien faire. De se sortir de ce monde de transports en commun, de connerie en commun.

J’aimerais acheter des piles pour le walkman pour pouvoir prendre le disque avec moi dans mon crapahutage et me sentir protégé.

When the streetlights shine/
And it looks like christmas/
There are friends of mine/
Within a walking distance.

Delphine m’a dit de me mettre au lit et de faire une sieste digne de ce nom et je ne sais même plus pourquoi je suis fatigué après tout.